Catalogue

Essai philosophique

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A. En attendant, que faites-vous ?

B. Je lis.

A. Toujours ce voyage de Bougainville ?

B. Toujours.

A. Je n’entends rien à cet homme-là. L’étude des mathématiques, qui suppose une vie sédentaire, a rempli le temps de ses jeunes années ; et voilà qu’il passe subitement d’une condition méditative et retirée au métier actif, pénible, errant et dissipé de voyageur.

B. Nullement. Si le vaisseau n’est qu’une maison flottante, et si vous considérez le navigateur qui traverse des espaces immenses, resserré et immobile dans une enceinte assez étroite, vous le verrez faisant le tour du globe sur une planche, comme vous et moi le tour de l’univers sur votre parquet.

A. Une autre bizarrerie apparente, c’est la contradiction du caractère de l’homme et de son entreprise. Bougainville a le goût des amusements de la société ; il aime les femmes, les spectacles, les repas délicats ; il se prête au tourbillon du monde d’aussi bonne grâce qu’aux inconstances de l’élément sur lequel il a été ballotté. Il est aimable et gai : c’est un véritable Français lesté, d’un bord, d’un traité de calcul différentiel et intégral, et de l’autre, d’un voyage autour du globe.

B. Il fait comme tout le monde : il se dissipe après s’être appliqué, et s’applique après s’être dissipé.

Récit

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La plus célèbre mutinerie de l’histoire de la marine. En 1789, alors que le brick anglais La Bounty a quitté Tahiti quelques jours plus tôt avec une cargaison de plants d’arbre à pain destinée aux Antilles, Fletcher Christian et une poignée d’hommes d’équipage se rebellent contre le capitaine Bligh, d’une sévérité extrême, et prennent le contrôle du navire. Abandonné dans une chaloupe avec les dix-huit marins qui lui sont restés fidèles, Bligh réussit l’exploit de rejoindre Batavia, à Java, avant de rentrer en Angleterre. Après être retournés brièvement à Tahiti, les mutins vont s’installer sur une île isolée du Pacifique et ne seront jamais retrouvés. L’aventure absolue sans espoir de retour.

Relation de voyage ancien

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La première circumnavigation de marins français, à bord de la frégate La Boudeuse et de la flûte L’Etoile.

En novembre 1766, Bougainville est envoyé par le roi remettre les îles Malouines aux Espagnols et sa mission est ensuite de traverser les mers du sud pour rejoindre les îles à épices. Après avoir traversé avec difficulté le détroit de Magellan puis l’océan Pacifique, Bougainville découvrira Tahiti, île au peuple doux et accueillant qu’il appellera la Nouvelle Cythère. Puis il explorera les îles Salomon, longera la Nouvelle Guinée et passera aux Moluques avant de rejoindre Batavia, sur l’île de java, aux Indes néerlandaises. Il rentrera finalement à Saint-Malo en mars 1769 par l’île de France et le cap de Bonne-Espérance avec un Tahitien à bord, n’ayant perdu que sept hommes en trois ans d’expédition.

Poésie

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Toi, la fleur que le vent balance, à charge de la rosée qui honore ta corolle, jamais à la vie d’un être tu ne refuses le passage. La pure exhalaison de ton parfum laisse anéanti le jardinier céleste. Toi, miséricorde des ciels d’automne !

Toi, le plus petit ruisseau de larmes, on te découvrira encore fraîche du matin des hommes : éclose puis fanée, tu seras la muette incarnation de l’amour. Tu seras la mémoire aux joutes futiles et colorées et tu oublieras que tu es fille du temple arboré du palais royal et du sang versé par le soleil à l’autel de la vie.

Roman

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Un des chefs d’œuvres de l’écrivain polonais.

À la fin du XIXe siècle, Marlow, un marin britannique, est chargé de ramener Kurtz, qu’on sait malade, d’un comptoir d’exploitation d’ivoire perdu dans la forêt équatoriale au bord du fleuve Congo. En remontant le fleuve aux eaux boueuses, Marlow s’enfonce progressivement dans le cœur de la jungle africaine. Il découvrira avec horreur les méthodes « douteuses » employées par Kurtz, un homme rongé par la fièvre et devenu le chef idolâtré d’une tribu indigène.

Ce texte inspira Francis Ford Coppola pour le scénario d’Apocalypse now, avec Marlon Brando dans le rôle de Kurtz. Nous avons choisi la traduction d’André Ruyters, ami d’André Gide, parue en 1925. Elle reste l’une des meilleures publiées à ce jour en langue française.

Récit de voyage XXe siècle

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Le célèbre reporter français désirait se rendre clandestinement à La Mecque en 1930, mais la cité sainte lui resta interdite. À la place, il voyagea en Mer rouge, à Djibouti et sur les côtes de la péninsule arabique à la rencontre des pêcheurs de perles. Il en a ramené un récit devenu un classique. Un voyage à une époque où les rivages de ce qui deviendra les Emirats Arabes Unis étaient encore appelés la côte des pirates et où Barhein était le paradis des perles.

Roman

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Le phare de San Juan del Salvemento, le « phare du bout du monde », est bâti sur l’île des Etats, non loin du cap Horn. Sur ces eaux dangereuses, il est le seul repère qui peut guider les marins dans la nuit, la brume ou la tempête, fréquentes aux confins de la Terre de feu. Les naufrages ne sont pas rares, et Vasquez, un des gardiens du phare, découvre qu’une bande de pilleurs d’épaves a élu domicile dans une grotte de l’île, à l’affût des proies que la mer peut leur apporter.

Un roman méconnu de Jules Verne à découvrir.

Roman traduit de l’anglais par André Gide

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Le vapeur Nan-Shan vogue sur la mer de Chine avec sa cargaison de coolies. Le capitaine MacWhirr est assisté par un jeune second, Jukes, et par l’excellent chef mécanicien Salomon Rout. Le baromètre chute de façon impressionnante et, durant la nuit, un typhon d’une violence inouïe s’abat sur le navire. Le capitaine ne perd pas son sang-froid et parvient in extremis à mener, à moitié démantelé par les lames, son navire à bon port. L’équipage, épuisé, en sortira profondément transformé. Dans ce récit épique, Conrad peint Mac Whirr, comme un modèle de marin, calme, tenace, humble et doué d’une confiance quasi mystique en la résistance de son bateau.

Un chef d’œuvre traduit en français par André Gide en 1918.

Carnets de route (1927)

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« Je me suis précipité dans ce voyage comme Curtius dans le gouffre. Il ne me semble déjà plus que je l’aie voulu précisément (encore que depuis des mois ma volonté se soit tendue vers lui) ; mais plutôt qu’il s’est imposé à moi par une sorte de fatalité inéluctable – comme tous les événements importants de ma vie. Et j’en viens à presque oublier que ce n’est là qu’un « projet de jeunesse réalisé dans l’âge mûr » ; ce voyage au Congo, je n’avais pas vingt ans que déjà je me promettais de le faire ; il y a trente-six ans de cela. »

L’émerveillement devant la nature sauvage se conjugue dans ce récit à l’indignation face au sort des colonisés. Un des premiers réquisitoires contre le colonialisme, bref, mais efficace et réaliste.

à paraître en mai 2024

Récit de voyage contemporain

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« J’ai regardé à droite, puis à gauche – j’étais presque à l’extrémité d’une plage, face à une colline qui donnait, de l’autre côté, sur une crique rocheuse – et j’ai su que j’aimerais toujours ce rivage sans savoir exactement dire pourquoi. Car la beauté et la grâce sont des dons qui savent émouvoir, mais elles ne possèdent pas d’explication véritable ; elles n’ont point de règles énonçables simplement. Je venais de très loin pour revenir à Trindade, pour essayer, à partir de là, de retrouver l’élan et la juste intensité du souffle – dans ma poitrine – qui depuis longtemps ne cessent de me porter sur les chemins du monde. »Tout débute à la montagne, sous la première neige. Le narrateur retrouve un jour en plissant les yeux l’image encore vivante d’une scène de voyage et il nous entraîne quelques degrés au-dessous de l’équateur, vers São Luís du Maranhão, une cité propice au rêve. Bientôt, commence le récit de la longue pérégrination qui l’a conduit jusqu’au sud-est de l’Amazone, un périple entamé par une descente en Espagne suivie d’une remontée du Brésil par le rivage. Sur sa route, jalonnée par la lecture d’un ouvrage sur les vies des philosophes de l’antiquité, il rencontrera Fabiana puis Lila, une sirène et un amour. Il découvrira aussi une île dont il fera son jardin et à la pointe de laquelle un navire espagnol aurait coulé sur des brisants au XVIe siècle. Ce sont quelques lignes lues dans un livre qui l’avaient décidé à partir…

à paraître en septembre 2024

Roman traduit du portugais (Brésil)

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« Il parlait peu et mâchait les syllabes avec un accent espagnol. Il vivait avec des chemises tachées de peinture, couvertes d’éclaboussures et de dégoulinades de couleurs si mélangées qu’on ne pouvait plus les définir. Il portait une barbe rousse et ses cheveux rebelles qui poussaient dans tous les sens entouraient son visage comme s’il apparaissait au fond d’un nid d’oiseau. Quelquefois, une goutte de peinture sèche se balançait collée à la pointe d’un de ses poils de barbe les plus longs. La peau autour de ses ongles scintillait d’un jaune brillant, traces d’huile de lin et d’autres solvants.

Il peignait sur tout ce qu’il trouvait. Soudain mu par un élan d’inspiration, sa main commençait à frémir, amorçant le geste de peindre. Emilio Vega ne prenait en compte que le hasard des circonstances. »

à paraître en décembre 2024

Roman traduit du portugais (Brésil)

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Des hommes courent, des flammes s’élèvent, Chico das Bonecas parle. Parrain Abilio est assis, les mains posées sur son fusil, les traits durcis sur le visage. Les images défilent lentement devant ses yeux qui brûlent comme de fièvre. Le fusil, dans les mains d’Alto, vomit le feu. Dico Gaspar saute, torse nu, le couteau entre les dents. La tension se transmet des bras vers les armes qui vont bientôt exprimer toute la rage des hommes. Des hurlements accompagnent les détonations, le doigt et la détente ne font plus qu’un tandis que les canons d’acier et les poitrines brûlent de la même ardeur. Quand il lève la main, pour chasser peut-être ces images devant ses yeux, il voit son bracelet de fer. Il est étrange comme il l’a fidèlement accompagné, toujours à son poignet, témoin de tout lui aussi.

à paraître en décembre 2024

Récit de voyage XXe siècle

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Publié en 1929, la suite d’un voyage de quatre mois en Afrique Occidentale Française, ce récit le fonctionnement du système colonial français. Comme toujours, avant de partir, l’auteur n’a pas d’a priori, pas de position de principe ; il va, il voit, et il décrit. Et quand les faits observés ont formé son opinion, il ne s’encombre guère de nuances. Une peinture pathétique des colonies africaines dans laquelle le grand reporter évoque notamment la persistance d’une traite négrière qui ne dit plus son nom : « L’esclavage, en Afrique, n’est aboli que dans les déclarations ministérielles d’Europe ». Avec Voyage au Congo de Gide, et quelques autres livres éclairés de la première moitié du vingtième siècle, Terre d’ébène est un des grands textes anticolonialistes

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à paraître en septembre 2025

Roman traduit du portugais (Brésil)

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Il est probable que le vent vienne des montagnes. Sur le plateau, écho de la gorge qui sépare notre monde de celui des crêtes élevées, son bruit n’est pas strident ; il n’est pas rauque non plus. Il est un mugissement qui effraie et fait se crisper les nerfs. Quand j’étais enfant, je l’ai aimé. Je l’ai détesté ensuite. Je ne pourrais pas aujourd’hui comprendre la vallée et je jure qu’il me serait impossible d’imaginer l’existence de la route sans ses rafales qui fouettent le visage. Soufflant inlassablement, il laisse, comme un stigmate, sa marque sur toute chose et sur tout être, dans l’herbe comme sur la pierre, sur les oiseaux comme dans les arbres, sur la terre comme sur les hommes.

Surtout sur les hommes. Si les jeunes filles chantent ici pendant les moissons, si les garçons savent dompter les chevaux sauvages au milieu des hennissements, l’âme est noire et le cœur est âpre. Non pas que nous obsède la crainte d’être tué par notre semblable, la nécessité de la force physique, de l’entraide pour n’être pas dévoré dans la lutte sans pitié, mais les faibles meurent ici au sein de leur mère. Les infirmes s’isolent, pourrissent, sont naturellement éliminés. Insensibles, les survivants se soumettent avec rage aux passions les plus violentes. Agrippés au dos de la vallée comme des prisonniers, tels des bêtes enfermés dans la cage d’une plaine sans ciel, ils reflètent dans l’angoisse de leur sang l’effroi des ténèbres et la peur de la solitude.